Bail de terrain et champ d’application du statut
Par Charles-Edouard BRAULT
Cass. 3e civ., 30 septembre 2014, n° 13-13.960, F-D
Ayant relevé que les bailleurs ne produisaient au débat aucune pièce justifiant leurs allégations quant à une autorisation limitée à des structures sommaires dépourvues de fixité et ne faisant pas corps avec le sol, et retenu que, compte tenu de leur accord pour l’édification des constructions fixes et solides sur un terrain indispensable à l’exploitation du locataire, le bail était soumis au statut, la cour qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu débouter les bailleurs de leur demande en résiliation du bail.
Les baux de terrains sont exclus du champ d’application du statut des baux commerciaux mais l’article L 145-1-2° apporte une dérogation aux baux de terrains nus sur lesquels ont été édifiées soit avant, soit après le bail, des constructions à usage commercial à condition que ces constructions ont été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.
Il faut donc que plusieurs conditions sont réunies : un bail, une ou des constructions antérieures à la prise à bail ou édifiées postérieurement par le preneur avec l’accord du bailleur, et l’exercice d’une activité commerciale permettant de remplir les critères des articles L 145-1 et L 145-8 du Code de Commerce.
En l’espèce, un bail commercial avait été consenti sur un terrain et les bailleurs entendaient refuser au locataire le bénéfice du statut au motif qu’il aurait fait réaliser sans leur autorisation de vastes constructions alors qu’ils n’auraient autorisé que des structures légères et démontables.
Selon la jurisprudence, les constructions doivent s’assimiler à des locaux caractérisés par la solidité et la fixité.
C’est ainsi que ne caractérisent pas des constructions permettant de revendiquer le statut des baux commerciaux de simples aménagements tels que des installations de remontées mécaniques1 , un pylône d'antenne radio2 , des constructions légères de bâtiments modulaires3 ou des installations de lavage et de nettoyage de véhicules comportant des portiques scellés et un local technique4 .
Cette appréciation est naturellement laissée au juge du fond et la cour d’appel avait relevé en l’espèce l’édification d’un dépôt ouvert en structure de bois et toit en tôle, un local abritant deux générateurs électriques en parpaings avec toit en tôle, une citerne et un compresseur, un atelier fermé en structure métallique, un bureau show-room en structure parpaings avec charpentes en bois et toit en tôle, un local en structure béton.
Pour la cour, ces constructions, qui sur le plan technique impliquent une idée de structure et de stabilité dont la réalisation suppose des fondations même peu profondes et un gros œuvre, ont un caractère de solidité et de fixité leur assurant valeur et durée.
Mais il faut également que les constructions aient été édifiées avec l’accord du bailleur et c’est au preneur d’apporter la preuve de ce consentement, tandis que la simple tolérance du bailleur est insuffisante5 .
Sur cette question, les bailleurs prétendaient que le locataire aurait fait réaliser sans leur autorisation de vastes constructions alors qu’ils n’auraient donné leur accord que pour des structures légères et démontables.
Mais la cour relevait l’accord des bailleurs pour l’exploitation du locataire dans différents bâtiments régulièrement édifiés avec leur accord, ce qui contredisait leur affirmation pour une autorisation portant sur des constructions précaires tandis que les bailleurs ne produisaient aucune pièce justifiant leurs allégations.
Le pourvoi est donc rejeté mais on relèvera une certaine souplesse dans l’appréciation du consentement des bailleurs.
En principe, les constructions doivent être parfaitement conformes à l’autorisation du bailleur et le tribunal puis la cour d’appel se sont fondés sur un constat d’huissier établissant que les bailleurs contestaient l’édification d’un grand bâtiment à structures métalliques mais établissait néanmoins que les autres constructions avaient été édifiées avec leur accord.
Pour autant, le locataire ne semblait produire aucun document technique mentionnant l’accord exprès des bailleurs pour l’ensemble des constructions qui avaient été édifiées sur le terrain…
1 Cass. 3 ème Civ. 10 janv. 1990 JCPG 1990, IV 91.
2 CA Rennes 15 juin 1999, Loyer cop. 2000 comm. n°115.
3 CA Paris Ch.5 - 1 er déc. 2010 RG n°09/09608.
4 CA Montpellier 18 septembre 2007, arrêt n°07/00340.
5 Cass. 3ème Civ. 10 juillet 1996, arrêt n°94-19638.